
Les tragédies impliquant des piétons soulèvent l’indignation et suscitent dans chaque quartier des questionnements sains sur l’aménagement des lieux et les mesures de sécurité. Comme pour toutes les autres formes d’accidents, nous cherchons à en tirer des leçons afin d’éviter la reproduction de tristes événements.
Cependant, lorsque certains éléments plus radicaux du mouvement antiautomobiliste veulent faire une récupération politique de ces accidents, on dérive rapidement. Comme tous les mouvements radicaux, les antivoitures se nourrissent de slogans douteux.
L’une des affirmations maintes fois répétées, c’est que nos villes doivent être repensées parce qu’elles seraient conçues entièrement en fonction de l’automobile. On dénonce le « tout-à-l’auto » qui serait la base même de la structure des villes.
Politiciens et écologistes ne sont pas peu fiers de se montrer verts et futuristes en dénonçant haut et fort cette vision archaïque du « tout-à-l’auto ». Ce n’est pas parce qu’ils sont plusieurs à le répéter souvent que c’est vrai. Ce n’est pas parce qu’ils sont plusieurs à le répéter souvent que c’est brillant.
La réponse est non. Nos villes sont conçues pour permettre une cohabitation des moyens de transport. D’ailleurs, depuis 20 ans, les transformations ont surtout servi à aménager des pistes cyclables pour tenir compte de l’accroissement du nombre d’utilisateurs du vélo.
La signalisation, les feux de circulation, l’aménagement des voies et des trottoirs, tout a été pensé pour une cohabitation entre piétons, cyclistes, camions, transports collectifs et automobilistes.
Certaines rues ou certaines intersections sont encore dangereuses ? Il faut alors les améliorer, mais il est faux d’affirmer que tout est pensé pour l’auto.
Dans le cas de Montréal, s’il fallait parler d’un moyen de transport qui a requis un effort au-dessus de tous les autres, il faudrait parler du métro. Des milliers de tonnes de terre transportées, assez pour en faire une île. Un Montréal souterrain fut créé pour donner aux Montréalais un transport collectif essentiel.
À l’époque où le cheval représentait le meilleur moyen de transport, les villes étaient conçues pour les calèches. En lieu et place des stationnements, on trouvait des poteaux pour attacher les chevaux et des abreuvoirs pour leur fournir de l’eau.
Il se trouve qu’en 2023, l’automobile est le moyen de transport individuel rapide et pratique du moment. Pour les marchandises, c’est le camion. Donc, les rues (qui sont dans bien des cas une version asphaltée des anciens chemins pour chevaux) servent à faire circuler les véhicules du moment. Tout simplement.
Même si l’on électrifie leur motricité, il faudra toujours une voie pour circuler.
On peut souhaiter améliorer l’offre de transport collectif pour réduire le nombre de véhicules. Mais dénoncer des villes « tout-à-l’auto », c’est dénoncer des gens qui vont au travail, à l’école ou à un rendez-vous médical, et qui utilisent la rue... en attendant la voiture volante.